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Vive les hérissons et l'écriture!
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12 mars 2009

Le jeu des titres : La ville en feu

He oui, me voici finalement de retour! Cela a été long, et j'ai bien des textes pour le jeu des titres (http://lejeudestitres.canalblog.com/) à rattraper... En voici déjà un, les autres suivront un autre moment donné!

LA VILLE EN FEU

« À mort!, À mort!, À mort! », scandait la foule survoltée à l’extérieur. Et moi, terrée dans un recoin sombre de ma maison, immobile, je ne pouvais qu’attendre et espérer, en tremblant d’effroi.

***

Les citoyens avaient complètement perdu la tête! Partout, dans chaque petit village et probablement même plus loin que ce que je pourrais imaginer, une immense chasse aux sorcières s’était mise en place. Des centaines, voire des milliers, de femmes de tous les âges avaient déjà été tuées pour « contrer le mauvais sort ».

Chaque femme un peu étrange, en fait qui ne répondait pas aux normes établies, pouvait soudainement être en état d’arrestation, et c’était sans compter les alchimistes et les herboristes, qui avec leurs décoctions et leurs savants mélanges, étaient automatiquement pointées du doigt.

***

« Tuons la sorcière! », répétait cette même foule en frappant contre ma maison avec l’espoir de venir m’y déloger.

La maison trembla, je compris que quelques personnes avaient dû aller chercher un bélier dans l’espoir de défoncer la porte que j’avais si soigneusement barricadée.

***

Cela n’avait pas toujours été ainsi. Cela était même assez récent comme situation. Pendant longtemps, les femmes qui connaissaient les plantes et savaient faire des onguents avait été bien accueillies. Si certaines personnes s’en méfiaient, la plupart n’étaient que trop heureuses de pouvoir compter sur de telles compétences dans leurs environs.

Les gens ne le disaient pas haut et fort, mais la majorité des villageois utilisaient les services de ces femmes herboristes. Les onguents contre la fièvre, contre les infections et contre les brûlures faisaient fureur, tout comme les élixirs de vitalité, les solutions contre la douleur et les philtres d’amour.

Est-ce que cela fonctionnait à tous les coups? Rien n’est infaillible, mais plusieurs personnes pourraient témoigner du succès de ces mélanges.

***

« Sortons là d’ici pour qu’elle puisse être jugée! » criait la foule à l’extérieur qui commençait à s’impatienter.

Tout à coup, la porte éclata en morceaux. La foule en colère se déversa à flot à l’intérieur de ma maison, se répandant dans chaque pièce, fouillant les recoins sombres les uns après les autres avec des cris de rage. Ce n’était plus qu’une question de secondes avant que je ne sois découverte...

***

Qu’est-ce qui s’était passé alors que les gens aimaient bien les femmes telles que moi?

Bien sûr, le clergé s’en était soudainement mêlé. Les prêtres et l’essor du culte à Jésus-Christ avaient pris toute la place. Les prêtres s’étaient mis à faire des sermons aux villageois, qui croyaient dur comme fer tout ce qu’ils entendaient.

Au début, seule les personnes païennes, c’est-à-dire qui n’avaient pas les mêmes croyances que les prêtres étaient visées. On leur brûlait la peau au fer rouge pour signifier à tous qu’il s’agissait de non-croyants.

J’avais bien sûr eu ma marque, comme plusieurs autres. Quelle souffrance! Sentir la peau fondre sous l’action de la chaleur, alors que des bras musclés vous empêchent de bouger. L’odeur de chair brûlée qui vient chatouiller les narines et qui donne l’envie d’être malade en pensant qu’il s’agit de sa propre chair. La sensation de brûlure intense qui perdure bien après que le fer ait été retiré... Un cauchemar totalement indescriptible!

***

« Elle est là! » crièrent quelques hommes en me découvrant. J’eus beau me débattre et crier, je fus rapidement maîtrisée par plusieurs paires de bras. Bâillonnée, les mains ligotées serrées, on me traîna sans ménagement hors de ma maison.

Quelques hommes apportèrent des torches et les lancèrent sur ce qui avait jusque là été ma demeure. Celle-ci s’enflamma rapidement, entièrement construite en bois.

Pendant que je voyais mes souvenirs et ma vie s’envoler en fumée, j’en oubliais presque les gens qui m’injuriaient, me crachant à la figure et me jetant d’autres détritus...

***

Après l’étape du marquage des infidèles, le clergé n’en resta malheureusement pas là. À cause des croyances religieuses, amenant l’idée de l’Enfer, des démons, des possessions démoniaques et du satanisme, certaines personnes finirent par associer tous ces crimes aux femmes qu’on disait un peu « folles » dans les villages.

Après tout, faire des mélanges pour enrayer des maladies ne prouvaient pas qu’il n’y aurait pas d’autres effets. Surtout, si cela fonctionnait sans que la païenne n’ait prié avec ferveur Dieu, cela était impossible! Elle avait donc dû prier « autre chose » et la seule option possible étant l’opposé, le Diable.

Et quand les onguents et autres crèmes ne fonctionnaient pas, la femme qui les avait préparé était tout de suite soupçonnée : peut-être même avait-elle fait exprès de faire échouer!

C’est ainsi que l’idée des femmes-sorcières fit son chemin. Plutôt que de tempérer les ardeurs et d’appeler à la clémence de ses confrères, l’Église ne fit qu’ajouter de l’huile sur le feu.

Les prêtres se mirent à se charger des procès, car les villageois pouvaient quand même se tromper et il fallait être certain qu’on avait bien affaire à une vraie sorcière...

***

En place publique, mon juge arriva. Toujours attachée de toute part, il me lit les chefs d’accusation qui pesait contre moi.

Culte à Satan, Action de sorcellerie, Nuisance à la vie publique, Mauvaise influence auprès des fidèles, ... Et la liste continua à s’allonger un certain moment. J’avais beau me débattre et faire des signes de négation, mon bourreau continua, imperturbable, à me nommer mes crimes.

Armes et couteaux pointés vers moi, on m’enleva mon bâillon pour me laisser une dernière chance de m’expliquer.

- Je ne suis pas une sorcière!, hurlai-je pour la énième fois depuis quelques semaines.

Aussitôt, le bâillon me fut remis.

- Elle nie ses actes!, s’exclama le prêtre. Bourreau, vérifier si ce qu’elle nous dit est vrai!

***

Les procès étaient bien souvent une pure formalité pour se donner une bonne conscience collective. Si la sorcière avouait ses crimes, on la croyait alors posséder et il n’y avait qu’une seule manière de confirmer cela : forcer le démon à faire surface.

On attachait la femme à une pierre et on la jetait au fond de l’eau, ou on la pendait. Si elle survivait, elle était alors aussitôt brûlée vive, car seul un véritable démon pouvait survivre dans de telles conditions et il fallait le détruire avant qu’il n’aille posséder quelqu’un d’autre. Si la femme mourait, elle n’était donc pas possédée, mais comme elle avait auparavant avouer ses crimes, on priait Dieu pour qu’il lui pardonne ses erreurs passées.

Si la sorcière niait tout acte de sorcellerie, le prêtre décidait bien souvent de la faire torturer jusqu’à ce que la vérité soit connue. Elle était ensuite brûlée vive pour ne pas prendre la chance qu’un démon passe par ce corps corrompu.

***

Après des souffrances inimaginables, toujours attachée à la place publique, je repris connaissance. Le bourreau m’avait brisé les doigts un à un, puis un pied. On m’avait lacérée, frappée, injuriée et presque étouffée à plusieurs reprises.

Plusieurs fois, le bâillon me fut enlevé et le prêtre me reposa la question fatidique : est-ce que j’avouais mes crimes?

J’ai essayé de nier le plus possible, mais au bout de quelques heures, mon esprit se brisa et je confirmai tout ce dont on m’accusait. Les mères amenèrent leurs enfants loin de la scène, les hommes me hurlèrent leur colère et le prêtre eut un sourire satisfait.

Quelques hommes de la foule qui restait, toujours de plus en plus survoltée, allèrent rapidement empiler un petit tas de bois sec. Un poteau fut érigée et on m’y traîna pour m’y attacher.

***

Lorsqu’une femme était reconnue coupable et amenée sur le bûcher, sa famille avait tout intérêt à fuir le plus loin possible et cela, très rapidement, car la croyance religieuse voulait que la sorcellerie se transmette de générations en générations. Toutes les femmes de la famille de la condamnée étaient brûlées vive en même temps, que ce soit les arrières-grand-mères comme les enfants et les petits-enfants. Ainsi, la communauté pouvait dormir en paix : il ne risquait pas de se faire contaminer par le Diable!

***

À moitié consciente, attachée sur le poteau en plein centre du bûcher, pour la première fois de ma vie, je me surpris à prier.

Comme j’étais la seule femme de la famille, on pouvait procéder à l’inhumation. Le bourreau apporta une torche et sous le regard de la foule qui s’était massée autour de la place d’exécution, il la lança au pied du monticule.

La fumée me piquant les yeux et la gorge, je regardais, impuissante, les flammes embraser les planches sur lesquelles j’étais.

Il n’y avait plus d’issue... J’espérais juste que la fumée m’aurait asphyxiée avant les flammes me dévorent...

Moi qui avait clamé haut et fort que je n’étais pas une sorcière, à ce moment précis, j’aurais tout donné pour en être véritablement une...

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Commentaires
M
Je seconde, c'est vraiment une histoire fluide et accrocheuse. Je n'en suis pas démordue avant la fin...
L
Toutes mes felicitations! Trop vrai! Pas avoir deja lu, étudier mon histoire, je n'y aurais pas cru mais trop bon, si reel! bravo!<br /> Et la fluidité avec laquelle tu ecris est tres bien, vraiment bravo!
C
Heureuse que tu aies recommencé à écrire.<br /> Et puis le texte est presque d'actualité, si près de la réalité encore aujourd'hui. <br /> Tu as pensé en envoyer une copie au Vatican?
Vive les hérissons et l'écriture!
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